LE PONT Hippolyte CHARAMAULE

 

   Retiré de la vie politique après le Coup d’état du 2 décembre 1851, Hippolyte Charamaule reprend son activité d’avocat. Propriétaire du château de Lunas, apporté en dot par son épouse Pauline, née Ollier, il ne semble pas entretenir de très bons rapports avec la bourgeoisie locale. C’est l’époque où Lunas connaît une forte expansion démographique liée au développement industriel. D’importants travaux se terminent sur la commune : ouverture de la route de Castres à Lodève, construction du Pont Neuf. Un projet de création d’une ligne de chemin de fer reliant Béziers à Paris se met en place...

   Tout un nouveau quartier voit le jour. Échappant aux contraintes du vieux village (manque d’espace, rues étroites...) des constructions nouvelles s’implantent le long du côté nord de ce nouvel axe à partir de 1850. Les maisons adossées à la colline bénéficient d’une vue sur l’ancien village, l’église et la rivière. Ainsi Lunas se trouve-t-il divisé en deux, avec, comme seuls moyens de communication, le pont Vieux et le pont sur le ruisseau de Nize.

   Pour faciliter le franchissement du Gravezon, le maire, le docteur Casimir BOULOUYS, fait construire en 1852 une passerelle en bois ne couvrant que la partie la plus encaissée du cours d’eau. Prenant appui, rive gauche, sur les alluvions du ruisseau (à hauteur des maisons bordant le cimetière de l’époque), elle aboutit, sur la rive droite, au niveau de la croix de mission d’où l’on regagne l’ancienne route par un escalier de quelques marches. Cet ouvrage présente de nombreux inconvénients : seuls les piétons peuvent l’utiliser, la présence de l’escalier l’interdit aux animaux, sa faible hauteur par rapport au niveau de l’eau la rend inutilisable en période de crue.

   C’est alors qu’Hippolyte Charamaule fait une proposition :

   Ne pourrait-on pas remplacer cette passerelle par un pont de pierre? On y passerait quel que soit le temps, à pied, à cheval ou en voiture... Certes les finances municipales ne peuvent assurer une telle construction d’un coût d’environ 15 000 francs... qu’à cela ne tienne... lançons une souscription. Chacun donnera selon ses moyens ! Les plus démunis pourront payer en nature (journées de travail), les plus fortunés en espèces...

   Ce projet, soumis au maire, ne reçoit pas un accueil favorable.

   Hippolyte Charamaule, devant le peu d’enthousiasme suscité par son projet, n’en abandonne pas pour autant l’idée et se lance alors dans une action toute personnelle.

   Il lance la souscription suivante :

 

SOUSCRIPTION VOLONTAIRE

1° En argent ;

2° En journées :

          - de charrettes

          - de mules

          - d’hommes

          - de femmes et d’enfants

3° En fournitures de chaux, sable et bois pour cintres : le tout au gré et au choix de chacun.

   Pour la construction d’un Pont en pierre, en remplacement de la Passerelle communale, pour le passage de charrettes, mules et piétons...

 

   Il prend contact avec un ingénieur des Ponts et Chaussées de Bédarieux, M. Kauffmann, celui qui se verra confier quelques années plus tard la création de la ligne de chemin de fer de Béziers à Graissessac. Le 11 avril 1854, cet ingénieur établit plan et devis de la construction.

   Toutefois la municipalité n’ayant pas suivi l’idée de Charamaule, il n’est plus question d’un pont pour remplacer la passerelle mais d’un ouvrage entièrement construit sur des terrains lui appartenant. Au niveau de l’église Hippolyte Charamaule possède sur la rive gauche une parcelle en bord de rivière dont il a fait l’acquisition en novembre 1853. La rive opposée est propriété de Madame Charamaule... Le pont sera donc construit là!

   Le cahier des charges fournit d’intéressantes informations sur le coût de la main-d’œuvre et des matériaux à cette époque:

 

CAHIER DES CHARGES.

   Clauses et conditions auxquelles sera adjugée, le dimanche 11 juin 1854, l’entreprise d’un pont à construire à Lunas, sur la rivière de Gravaison:

Article 1er - L’adjudication aura lieu au profit de l’entrepreneur qui offrira le plus fort rabais, sur les prix portés aux devis dressés, ainsi que les plans et avant-projet du dit Pont, par M. l’ingénieur Kauffmann, le 14 avril dernier...

Article 4 - Le montant du prix de l’adjudication sera payé à l’entrepreneur,

          soit en argent,

          soit en journées de travail évaluées :

                    - les journées d’homme, à 2 francs  50 centimes ;

                    - Les journées de femme, à 1 franc 50 centimes ;

                    - Les journée de maçons, menuisiers et serruriers à 2 francs 75 centimes.

          soit en fourniture de chaux, sable et bois pour cintres.

          La chaux à raison de 8 francs le muids (700 kg)

          Le sable à raison de 15 centimes la comporte

          et le boisage à prix débattu

Article 5 - L’entrepreneur sera payé au fur et à mesure du progrès des travaux et dans les proportions qui seront fixées par M. l’ingénieur Kauffmann.

Article 6 - Les travaux seront poussés avec la plus grande activité et sans autre interruption que celle qui pourrait provenir de force majeure. Ils devront être commencés quinze jours au plus tard après l’adjudication.

Article 7 - Il sera donné communication des plans et devis...

          Chez M. Jean Sauvagnac (*), à Lunas

Lunas le 11 juillet 1854

signé : CHARAMAULE

(*)Jean Salvagnac était le gérant d'Hippolyte Charamaule

 

   L’appel d’offre est lancé en juin 1854.

   C’est un entrepreneur d’Hérépian, Jean Coulon fils, qui emporte le marché.

   Hippolyte Charamaule fournit la totalité des matériaux pierres, sable prélevés dans une carrière qui lui appartient et qui est proche du chantier (s’agit-il de la sablière découverte il y a quelques années et qui s’engage sous le Redondel - propriété Charamaule à l’époque - dont l’entrée se situe dans la cave d’une maison du Barry ?)

   Sous la direction de M. Donadieu, conducteur des Ponts et Chaussées, le chantier est bouclé en moins de deux mois !

   En septembre 1854 on peut franchir le ruisseau ... à pied, à cheval ou en voiture                     !

   Franchir ce pont oui... mais à condition d’avoir participé aux travaux ou d’avoir souscrit...

   Commence alors une longue crise opposant certains bourgeois lunassiens au châtelain Charamaule et qui s’achèvera devant les tribunaux...

Le pont H Charamaule vers 1900

Suite de l'histoire du pont Hippolyte CHARAMAULE...

  (La documentation consultée pour réaliser ce dossier nous a été aimablement communiquée par Philippe de Firmas )

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