LE MOULIN DE LA RUSQUE

   Ce moulin fut utilisé pour une industrie très particulière. Son nom vernaculaire constitue un élément important. En effet, la «rusque», (en occitan «rusca»), signifie écorce. L’usage a, de mémoire d'homme, appelé cette bâtisse, le moulin de la Rusque. On y traitait donc de l’écorce pour la tannerie du Barry. Le peu d’informations conduit à émettre des suppositions à partir de faits constatés dans des zones géographiques voisines.

   La construction ne figure pas sur le cadastre de 1827. La tannerie consommant de gros volumes de tan (*), il est probable que le moulin fut construit pour répondre à ses besoins. A partir de 1860, une maladie dénommée «encre» frappe la châtaigneraie cévenole : un champignon attaque les racines et provoque la mort des arbres.

   On peut donc penser, à l’instar de ce qui se passa dans les Cévennes gardoises à Génolhac, à L’Estréchure, que les agriculteurs ont vendu leurs arbres condamnés et leurs écorces à la seule industrie récupératrice. Le moulin fut-il construit à cette occasion?

Plan du moulin tel qu'il devait se présenter vers 1870 :

1 - ruisseau de Gravezon ;

2 - ruisseau de Sourlan ;

3 - route départementale 138 de Lunas à Joncels.

   Seuls éléments existant actuellement :

- la bâtisse et sa prise d’eau sur le Gravezon en amont de la construction transformée par ses propriétaires successifs en résidence de vacances ;

- le canal d’amenée long de 15 mètres. Il passe à travers le 2ème niveau de la construction, en sous-sol, sous un porche.

   Deux conduites à forte pente, équipées de vannes à glissière, orientées vers l’intérieur de la base du bâtiment, incitent à penser que l’eau était dirigée sur un injecteur qui attaquait une turbine à rodet (*). La hauteur de charge hydrostatique est d'environ 3 mètres. C’était donc un moulin mis en charge sans bassin de retenue, le Gravezon ayant un débit suffisamment important pour l’actionner.

   Le moulin lui-même devait se situer au 2ème niveau. Les écorces brutes amenées depuis la route au 3ème niveau, étaient très certainement chargées par gravité au moyen d’une trappe pratiquée dans le plancher. Elles étaient écrasées par la meule animée en rotation par la turbine du niveau 1.

   Dans ce cas de figure, on imagine que les écorces broyées étaient :

- soit stockées sèches en sacs ;

- soit mises à tremper dans de grands récipients (comportes?), remplis grâce au canal d'amenée sous le porche, au niveau 2. Le tan (*) était alors récupéré liquide.

   Ce canal devenait ensuite un béal d’irrigation pour les jardins situés en aval du moulin. L'absence d'ouvertures importantes au niveau supérieur laisse supposer que le bâtiment avait uniquement une fonction industrielle et que personne n'y habitait de façon permanente, comme le confirment les recensements. L'opération de transformation ne devait pas être assurée par un ouvrier spécialisé, car on ne trouve pas non plus, entre 1836 et 1911, de Lunassien se déclarant fabricant «de tan».

 

Façade côté rivière montrant les 3 niveaux.

Porche du niveau 2 (passage du canal d'amenée). Au fond, la pansière.

Porte donnant sur la route  (niveau 3).

(*) TAN : substances organiques (polyphénols) contenues dans de nombreux végétaux. Elles sont utilisées pour le traitement des peaux qu’elles rendent imputrescibles et plus souples.

 (*) RODET :  un « moulin à rodet », dit encore « moulin à pirouette » est un moulin à eau à axe vertical. Le « rodet » se compose de la roue hydraulique horizontale, de l’arbre et de la meule supérieure tournante. 

photos  Roger MUNOZ vers 1970

(extrait de l'ouvrage "Lunas au fil de l'eau... au fil du temps..." pages 28 et 29)

Le petit patrimoine de Lunas