Jean-Claude et Mascotte

   Peu de temps avant ou après la disparition de Paul Combés, un autre souvenir est encore très vivant dans ma mémoire ; peut-être plus par le choc émotionnel qu’il a provoqué que par son importance dans ma vie d’enfant.

   Nous habitions encore dans le haut du village, j’avais donc moins de 5 ans, le jour où Jean-Claude Estéban, qui avait le même âge que moi, est venu me chercher probablement pour jouer dans la rue.

   Il a monté les escaliers qui menaient à notre habitation sans faire de bruit, puis a ouvert brutalement la porte d’entrée en faisant irruption dans la cuisine qui servait de pièce à vivre.

    L’effet de surprise a si bien réussi, que notre chienne Mascotte, pourtant si douce, n’a fait qu’un bond en lui sautant au visage.

   La joue ensanglantée, il a dévalé les escaliers, poursuivi par mon père qui s’est précipité pour lui porter secours. La blessure n’était pas grave, quelques points de suture ont suffi à la réduire.

   Quelques heures plus tard, mon père prenait son fusil de chasse et après avoir attaché la chienne à un arbre, l’a abattue. Cet épilogue qui peut nous surprendre aujourd’hui, nous choquer même, était normal à cette époque ; c’est la seule conduite à tenir en pareilles circonstances pour un honnête homme.

   La dernière fois que j’ai vu Jean-Claude, il avait encore la cicatrice de la morsure de Mascotte sur la joue droite.    

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