Pourquoi Maurice Coste, qui n'est jamais venu à Lunas,

figure-t-il sur le monument aux morts ?
 

   Lorsqu'en 2015 les Amis de Lunas et l'Association pour la sauvegarde du patrimoine du Bousquet-d'Orb ont uni leurs efforts pour présenter l'exposition "Regards sur la Grande Guerre" ils ont notamment effectué des recherches afin de réunir des informations sur chacun des hommes, morts pendant le conflit et dont le nom figurait sur les monuments aux morts.

   Sur Lunas, l'un deux, le sergent Maurice Coste, est resté longtemps inconnu. Nous n'arrivions pas à trouver des documents, des renseignements pouvant établir un lien entre ce personnage et Lunas.

   C'est l'histoire de nos recherches que nous vous proposons.

  Depuis plusieurs années nous nous interrogions sur ce sergent pour lequel les recherches restaient vaines.

  Les pistes habituelles n’avaient rien donné :
 
- consultation de tous les registres matricules des deux bureaux de recensement de l’Hérault (Montpellier et Béziers) entre les années 1880 et 1918 ;
 
- analyse du recensement de Lunas de 1911 (dernier recensement avant le début du conflit) ;
 
- consultation des registres de l’état-civil de Lunas entre 1870 et 1900 ;
 
- recherche dans la base de données Mémoire des Hommes, du ministère de la défense…

  Cette base de données nous proposait 4 fiches concernant des « Coste Maurice » :
 
- un quartier maître mécanicien d’Ardèche ;
 
- un Parisien, soldat de 2ème classe ;
 
- un Héraultais, soldat de 2ème classe de Mauguio ;
 
- un sergent né à Nîmes.

  Ce dernier ne présentait toutefois aucun lien avec Lunas :
 
- né dans le Gard ;
 
- engagé volontaire pour 3 ans à la mairie de Narbonne le 23 juillet 1912, (le centre de recrutement de Limoux est barré) ;
 
- décédé à l’hôpital de Senlis (Oise) le 5 juillet 1918 des suites de blessures de guerre et avis de décès transmis le 24 mai 1919 à la mairie de Longny-au-Perche, dans l’Orne.

  Ce dernier indice nous amenait donc à écarter le « sergent Maurice Coste » de l’histoire de Lunas.

  La préparation de l’exposition consacrée aux Bousquetains et Lunassiens mobilisés pendant la Grande Guerre, nous ramena au sergent Coste. Nous avions retrouvé des informations sur les 66 morts du Bousquet-d’Orb et sur 40 des 41 morts de Lunas.
 
Nous reprenions donc nos recherches sur Maurice Coste…
 
Une piste nouvelle fut explorée : le recensement de 1921. L’idée était que les « Coste » avaient très bien pu s’installer à Lunas après le recensement de 1911.
 
Un nouvel élément amena enfin une piste sérieuse….
 
Page 19 dudit recensement, on trouve, habitant « La Place » (quartier situé entre le bas de la Grand’Rue et le château) Julien Coste, né à Nîmes en 1863, juge de Paix et son épouse Marie Marrot née en 1859 à Neuilly-sur-Seine.
 
Le couple a un fils Raoul né en 1902 à Limoux (Aude).
 
Le sergent Maurice Coste donné par la base Mémoire des Hommes est né à Nîmes, et s’est engagé dans l’Aude. Une recherche aux archives de l’Aude nous permettait d’obtenir sa fiche matricule : elle nous apprenait qu’il était né le 8 octobre 1891 à Nîmes et que ses parents étaient Julien Coste et Marie Marrot !

  L’énigme trouvait enfin réponse !

  Maurice Coste figure sur le monument aux morts de Lunas, alors qu'il n'y a jamais vécu : son père, Juge de Paix à Lunas, y a fait inscrire son nom.

  Au recensement de 1926, on retrouve le juge habitant toujours sur la Place. Il vit seul, sa femme est décédée le 25 février 1922, son second fils, Raoul, a quitté le foyer.
 
Seul point non éclairci : pour quelle raison l’avis de décès de Maurice Coste fut-il adressé, en 1919, à la mairie d’une petite bourgade de Basse-Normandie (Longny dans l'Orne) ? Son père a-t-il été Juge de Paix en Normandie à une époque, avant d'être nommé à Lunas, pendant ou après la première guerre mondiale ?

  Quant à Maurice Coste nous avons appris qu’il exerçait le métier de tailleur d’habits à Limoux (Aude) avant de s’engager pour 3 ans, le 23 juillet 1912.
 
Incorporé au 3ème régiment de tirailleurs algériens puis passé au 7ème le 15 août 1913, il est nommé caporal le 15 août 1914 et sergent le 1er décembre 1916.
 
En Algérie de juillet 1912 à octobre 1913, puis au Maroc jusqu’en septembre 1914, il est envoyé au front. Le 26 mai 1915, il est blessé en Belgique par un éclat d’obus à la base du thorax.
 
Il est cité :
 
- à l’ordre du régiment le 26 avril 1917 : « A maintenu en ordre sa 1/2 section sous un violent bombardement... » ;
 
- à l’ordre du corps d’armée le 24 juillet 1918 : « Chef d’une 1/2 section de grenadiers, a entraîné ses hommes à l’assaut d’une position défendue par des mitrailleuses. A été blessé grièvement » ;
 
- à l’ordre de la division le 5 août 1918 : « Sous-officier ayant montré en toutes circonstances le plus grand dévouement. A l’attaque de juin 1918 a entraîné sa 1/2 section à l’assaut d’une organisation ennemie malgré le violent tir de mitrailleuses. Très grièvement blessé est mort des suites de ses blessures ».
 

   Le sergent Maurice COSTE est inhumé dans la nécropole nationale de Senlis (Oise). Sa sépulture, portant le numéro 39, est située dans le carré B.

Jeannine et Lucien Osouf  / octobre 2023

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